L’effet de bulle économique désigne le comportement
irrationnel d’un marché, dont les prix augmentent excessivement par rapport à
la valeur réelle des choses. L’issue inéluctable est l’effondrement brutal des cours :
L’explosion est suivie d’une implosion.
Les exemples récents les plus connus sont la bulle Internet
de la fin des 90’, et la crise des subprimes en 2007.
Parmi les multiples facteurs déclenchant un effet de bulle
économique, il y a les « mimétismes euphoriques collectifs » :
Tout le monde veut sa part du gâteau et se lance frénétiquement dans l’arène.
Pourquoi évoquer ce phénomène en rapport avec notre
profession ? Parce qu’il s’agit d’une profession récente (la première
organisation syndicale, la CS3D, a été fondée en 1946), à la structure atypique :
1% des entreprises comptant plus de trente salariés réalisent 50% du Chiffre d’Affaire,
alors que 30% des entreprises en réalisent seulement 1%.
Il est évident que cela va évoluer, car cette structure ne
respecte pas la loi de Pareto (20% des entreprises réalisent 80% du CA et 80%
des entreprises réalisent 20% du CA). De plus, cette profession est une des
rares (la seule ?) à n’avoir pas de formation initiale, donc pas de
diplômes professionnels ; ce qui ne l’empêche pas d’avoir une
certification agrico-urbaine…
Jetons un œil dans le rétroviseur
Le métier d’origine, au moyen âge, est celui d« écorcheur
de vilaines bêtes ». Cela consistait à tuer et sortir de la ville les
rats, chiens et chats errants, malades ou morts. Il se pratiquait avec divers
outils tranchants ou contondants, un fouet et, si besoin, une charrette. Autant
le traitement des chiens et chats était relativement simple, autant celui des
rats nécessitait la connaissance de leurs mœurs et modes de déplacements, et
une grande habileté pour les piéger ou les tuer d’un coup de fouet.
La découverte de la bactérie pesteuse par Alexandre Yersin,
en 1894, et de son mode de transmission par les puces du rat noir, par Paul
Louis Simond en 1898, déclenchèrent des études sur les rats et leurs puces dans
le monde entier, et des campagnes de lutte dans toutes les grandes villes
d’Europe, du Japon, et des USA.
Tout le monde ne pouvant pas devenir chasseur de rats du
jour au lendemain, divers artisans et industriels développèrent des dispositifs
de piégeage et des poisons raticides. Leur goût désagréable rendait difficile
la fabrication d’appâts réellement attractifs.
Parallèlement, les progrès de l’industrie chimique permirent
de développer des désinfectants et des insecticides (car pendant longtemps la
communauté scientifique doutait que les petits arthropodes puissent être
vecteurs de maladies…). Les produits, très toxiques, sentaient fort.
Du début du XXème jusqu’à la seconde guerre mondiale, la
gestion des déchets est prioritaire, suivie des techniques de prévention que
sont le « ratproofing » et le « noratland » ; Il
s’agit d’aménager :
-
- Les locaux pour les rendre aussi étanches et
inhospitaliers que possible aux rongeurs, et
-
- Leurs abords immédiats, en périphérie, qui sont
dégagés et plats sur quelques mètres.
Les choses ont évolué après la seconde guerre mondiale.
L’apparition des anticoagulants pour la dératisation, et des organochlorés pour
la désinsectisation, changèrent considérablement les pratiques professionnelles :
Il était plus facile de concevoir des appâts rodenticides vraiment attractifs
(les anticoagulant n’ont quasiment pas de goût), et de faire des hécatombes de
blattes, puces et punaises des lits. L’avènement des pyréthrinoïdes dans les
70’ accentuèrent la tendance, puisqu’ils sentaient peu et étaient moins
toxiques pour l’homme que les organochlorés.
Le métier devenait plus facile et la profession des 3D connu
un fort développement, essentiellement avec des TPE et une minorité de PME qui,
pour l’essentiel, posaient des boites d’appâtage et pulvérisaient, point… En se
souciant de moins en moins de ratproofing et de zones de noratland. C’est ainsi
que peu à peu s’est perdue la culture du rat et de la souris chez les
applicateurs (les énormités que l’ont peut lire sur bien des sites Web de
professionnels en témoignent), et que sont apparues des souches de rongeurs et
d’insectes résistant aux produits biocides…
Au milieu des années 90, le DAPA, prévu à l’origine pour
préserver le pré carré des professionnels des 3D, a été obtenu par tous les chefs
d’agences des grands groupes du nettoyage, qui se lancèrent sur un plan
national, dans le métier. C’était en quelque sorte l’effet inverse de ce qui
était implicitement recherché. Il faut dire que le DAPA ne comportait rien sur
la connaissance des nuisibles et les techniques de lutte : Seulement de la
réglementation… Dans la foulée, beaucoup de PME et TPE du nettoyage et des espaces
verts ont suivi le mouvement et font aujourd’hui partie du paysage
professionnel des 3D.
La tendance s’est accentuée au milieu des années 2000 avec l’arrivée
d’une franchise nationale spécialisée à l’origine dans le nettoyage des VMC.
Et tout récemment, l’apparition de produits et dispositifs
« grand public » sécurisés (règlementation biocides oblige), a vu une
entreprise de services spécialisée dans la location de linge et la gestion des
consommables sanitaires, se lancer dans les 3D sans certification ni numéro
d’agrément, en toute légalité.
Une bulle serait-elle sur le point d’exploser, avec
l’avènement officiel d’un métier de strict « poseur de boites et puis s’en
va », à l’opposé total de ce qu’il était à l’origine ? Quel
« poseur de boites et puis s’en va » serait capable de tuer une
trentaine de rats par jour avec un fouet, comme le faisaient encore des dératiseurs
de l’entre-deux guerres ?
La situation est limpide : Des clients qui n’ont pas de
problèmes de nuisibles peuvent s’offrir un plan de lutte obligatoire « à
pas cher », mais se trouveront fort démunis lorsqu’une infestation avérée
surviendra ! Car il y a une différence entre poser des boites contre un
mur et sous des meubles « pour respecter des normes », et traiter une
infestation de souris. Seuls des applicateurs ayant la culture du nuisible,
donc bien informés de sa biologie et des problèmes de concurrence alimentaire
posés, peuvent réaliser un traitement efficace et sécurisé. Ce qui n’a rien à
voir avec le remplacement des rouleaux de papier toilette et des bobines
essuie-mains…
Enfin, il est temps d’arrêter de se voiler la face : Il
est un fait que blattes, souris et rats prolifèrent chez bien des enseignes
commerciales prestigieuses, malgré des contrats de sanitation passés avec de
grands noms du secteur des 3D. Une politique de communication basée sur le
sempiternel « nous faisons traiter
par une des meilleures entreprises certifiées » ne pourra pas
longtemps cacher la réalité à des clients de plus en plus sourcilleux sur les
questions d’hygiène, surtout avec des Smartphones qui photographient et
filment…
En résumé, les effets pervers de la facilité d’emploi des
anticoagulants et des pyréthrinoïdes, et la vacuité d’une règlementation hors
sujet, ont généré, au plan européen :
-
- Des applicateurs loin d’être aussi qualifiés
qu’on aime à le penser ou le présenter ;
-
- Des pratiques professionnelles responsables de
l’apparition de souches de nuisibles résistants aux biocides (conséquence de ce
qui précède) ;
-
- Des plans de lutte irrationnels (beaucoup de
dispositifs inutiles), dans l’agroalimentaire notamment ;
-
- Le désamour des instances européennes pour les
biocides.
Le métier doit changer
L’évolution de la règlementation et la réduction des
matières actives disponibles contraignent le métier à se recentrer sur les
fondamentaux historiques : Prévention et dissuasion (ratproofing) d’abord,
traitement raisonné en dernier lieu.
Proposer d’aménager les locaux des clients en ratproofing
nécessite des compétences en petite maintenance (ou bricolage, pour parler
« terrain ») : Pour colmater des accès possibles, vérifier/
réparer l’étanchéité des bâtiments, installer des moustiquaires, poser ou
réparer des plaques et grilles d’acier, protéger/ équiper des locaux de
containers à déchets, installer des générateurs d’ultrasons…
Connaître des techniques d’entretien d’espaces verts et de petite
maçonnerie permet d’implanter des zones de noratland et de maintenir des
extérieurs nets, qui dissuaderont les rats de s’y aventurer et encore moins de
s’y installer.
Par ailleurs, maîtriser des techniques de nettoyage permet
de proposer à certains clients négligents de procéder d’abord à un nettoyage
des lieux, avant la mise en place d’un ratproofing et/ou d’un traitement par
gel et pulvérisation (qui sont d’autant plus efficaces et rémanents qu’ils sont
appliqués sur des surfaces propres).
Les prestataires 3D ont aujourd’hui un intérêt vital à
« aller vers » le multiservices, sur le modèles des entreprises de
nettoyage et multiservices qui sont « allés vers » les 3D dans les
80’ et 90’.
Enfin, le recours aux techniques d’application raisonnées
des biocides permet de réaliser des économies substantielles (4 à 5 fois moins
de produits consommés chez certains), et expose d’autant moins les applicateurs
aux dangers et risques des substances toxiques.
Nous pensons que dans les années qui viennent, les plus
importantes sociétés de 3D devraient perdre des parts de marchés au profit de
PME et TPE plus réactives pour former leurs applicateurs aux techniques de
ratproofing et d’application raisonnée de biocides. La profession se rapprocherait
donc d’une structure Pareto (80/20).
A court terme, il conviendra d’expliquer aux clients les
pourquoi et comment des stratégies de ratproofing et d’applications raisonnées
de biocides ; il faudra leur désapprendre les alignements inutiles de boites
d’appâtage le long des murs, leur démontrer que la pulvérisation raisonnée est
une solution universelle et complémentaire de l’application de gels…
En l’espèce, les organisations syndicales auraient un
important un rôle de communication à jouer auprès du public et des mondes de
l’entreprise et de l’enseignement… C’est qu’il faudrait « contrer »
les émissions polémiques des majors de la télé et rectifier les discours
incohérents trouvés sur le Web (y compris sur des sites d’entreprises de 3D…),
car une dynamique d’information sur les nuisibles urbains (et les pros qui s’en
occupent mal…) s’installe progressivement qui, à terme, devrait contraindre de
« gros » clients soucieux de leur image à se tourner vers des
prestataires moins connus mais plus efficaces.
Ce que les grands argentiers d’entreprises ne doivent pas
oublier, c’est que l’hygiène publique n’est pas une simple équation comptable.
La surinformation/ désinformation de la télévision et du Web, en matière de
rongeurs et arthropodes nuisibles, montre que les peurs de nos contemporains
sont irrationnelles et dues à leur inculture du monde des petites bêtes. A
terme il ne sera plus possible de prospérer économiquement sur ce malentendu,
car il se résorbera bien un jour.
L’exemple de la « découverte des microbes » par
Pasteur le montre bien : Dans les décennies qui ont suivi, l’hygiène des
personnes et des locaux n’a cessé de progresser. Il en sera un jour de même
avec les nuisibles urbains et les méthodes de lutte/ régulation. Surtout si les
organisations syndicales prennent le problème de la communication à bras le
corps.
Il y a urgence, car un effet de bulle est en cours !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire