(Article initialement publié en 2014)
La thèse de Mme Mourier Agnès, « Lutte intégrée contre deux insectes synantrophes Blatella germanica et
Cimex lectularius – apports de l’écologie scientifique pour le conseil à
l’officine » est en ligne ici.
Comme d’autres thèses lues récemment sur la lutte contre les
rongeurs et arthropodes commensaux, celle-ci est un trop plein de biologie et
bio-écologie qui laisse la portion congrue aux techniques pratiques de lutte.
Passons aussi rapidement que l’auteure sur les nuisances
réelles des blattes et punaise des lits, qui sont soit potentielles, soit
bénignes, pour nous attarder, donc, sur les techniques de lutte.
Pour les blattes, c’est un énuméré de lieux communs
théoriques irréalistes (« éliminer
les cachettes et toute sources d’humidité, scellage des points d’accès »…)
et de désinformations : Affirmer que « les sprays seuls sont inefficaces » et préconiser
l’utilisation de pièges est irresponsable ! Jamais au grand jamais des
pièges à glu, même en grandes quantités, ne sont venus à bout d’une
infestation.
Par contre, un applicateur qualifié qui travaille en
raisonné, selon les méthodes exposées dans notre livre « Le grand guide de lutte raisonnée contre les
nuisibles urbains » (éditions Lexitis 2014), c'est-à-dire en utilisant
conjointement gouttes de gel et pulvérisations parcimonieuses, peut fort bien
venir à bout d’une infestation en une intervention, en utilisant très peu
d’insecticides et en ne perturbant pas la vie des occupants des lieux.
Quant aux appâts en gel qu’il est recommandé « d’utiliser en première intention »,
c’est de la désinformation pure. Il est tout à fait possible de traiter un
restaurant, par exemple, exclusivement avec du gel, avec un résultat
probant : Élimination totale des blattes.
Nous ne voyons pas du tout l’intérêt d’évoquer la poudre de
diatomées et l’acide borique, complètement « hasbeen » en matière de
désinsectisation et ne comprenons pas la saillie contre les insecticides
biologiques, qui « ne sont pas
recommandés », car justement ils ont, forcément, leur utilité dans le
cadre d’une lutte globale.
Quant au couplet sur la résistance des blattes et punaises
aux insecticides, il trahit des lacunes dans la connaissance du phénomène. Pour
faire simple, l’application d’une unique famille d’insecticide provoque
l’apparition de souches totalement résistantes en une dizaine d’années.
L’alternance de familles différentes d’insecticides (par exemple
néonicotinoïdes et pyréthrinoïdes) suffit à contrer ce phénomène. C’est aussi
simple que cela. L’auteure
évoque bien d’alterner des familles d’insecticides pour les appâts, mais
elle ne va pas au bout de son raisonnement avec les « sprays ».
Nous nous demandons si le chapitre (nous avons failli écrire
« la chimère ») sur la lutte biologique avec les scutigères, geckos,
hérissons, scorpions, guêpes et autres champignons entomopathogènes doit être
pris au sérieux…
Bref, il n’y a rien de solide en matière de lutte intégrée
contre les blattes puisqu’une énumération de lieux communs, de désinformations
et de chimères ne justifient pas d’avoir fait une impasse grossière sur
l’application raisonnée des insecticides, la seule solution viable et
compatible avec un développement durable.
Pour la punaise des lits, nous avons bien entendu droit à un
long exposé biologique et un traité médical avant d’aborder les techniques de
lutte. Là, nous passons en revue les différents pièges que recense le Web, les
chiens détecteurs et les luttes mécaniques que sont le lavage en machine,
l’aspirateur, la cryogénie, la vapeur et la chaleur ; avec trois impasses
monumentales qui démontrent que l’auteure ne maitrise pas le sujet.
D’abord, vu la biologie particulière de la punaise des lits,
une lampe frontale et une loupe sont nécessaires pour repérer les traces de
présence et les lieux de refuges. C’est ce qui permet de n’appliquer le
traitement insecticide que là où c’est utile et de ne pas indisposer les
occupants des lieux.
Ensuite, il est tout à fait possible de n’utiliser aucun
insecticide en faisant le choix de la vapeur. Tuer les punaise vivantes se fait
en plus ou moins une seconde et les œufs sont cuits lorsqu’ils virent du gris
au jaune.
Et pour finir, l’aspirateur doit être traité à l’insecticide
pour tuer les punaises vivantes et les œufs aspirés (voir notre livre « Le grand guide de lutte raisonnée contre les
nuisibles urbains », au chapitre « l’aspirateur, outil complémentaire
de désinsectisation »).
Quant à un traitement raisonné avec insecticide, il se
réalise avec un insecticide micro encapsulé (pour que les punaises
s’empoisonnent mutuellement), appliqué là où sont repérés les traces de passage
et refuges et, bien sûr, les punaises vivantes. Pour donner une idée de la
quantité d’insecticide pulvérisé en raisonné dans une chambre faiblement
infesté, le temps total de pulvérisation est de moins d’une minute.
Un détail qui a son importance : le traitement d’une
faible infestation dans une chambre à coucher exige au minimum une heure de
travail méticuleux ; nous avons bien écrit « au minimum une heure de travail méticuleux ». Le long exposé
sur la biologie de Cimex Lectularius permet de comprendre pourquoi…
Le couplet sur le recours nécessaire aux professionnels pour
traiter la punaise est déplorable vu le sujet de la thèse. Il y a de telles
disparités chez eux que les recommander « génériquement » est
irresponsable : très peu savent traiter la punaise avec zéro insecticide
ou en raisonné (avec très peu d’insecticide).
Bref, pour une thèse de doctorat qui s’intitule « Lutte intégrée contre deux insectes
synanthropes Blatella germanica et Cimex lectularius », nous avons un
bel emballage (beaucoup de texte et de belles photos) avec une étiquette
accrocheuse, mais rien de bien intéressant en matière de techniques de lutte,
car non seulement rien de nouveau ou de novateur n’est exposé, mais sont
totalement ignorées les techniques de lutte raisonnée.
Rassurons-nous, cela n’a pas empêché Mme Agnés Mourier
d’obtenir son doctorat en pharmacie.
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