(Article publié
initialement en 2015)
Ces jours-ci, une étude sur les rats et gerbilles fait un
buzz mondial.
En résumé : L’examen de 7.711 épidémies de pestes
documentées entre 1347 et 1353 correspondent à un printemps chaud et un été
humide en Asie, 15 ans plus tôt.
Nous avons d’ailleurs droit à un beau dessin :
Cette étude est une tartufferie creuse comme seul le Web est
capable d'en générer.
Ces chercheurs font fi de ce que d'autres scientifiques bien
plus rigoureux ont publié sur le sujet.
Voir notamment http://www.pathexo.fr/documents/articles-bull/T92-5b-1963-PLS11,
un article de Florence Audouin-Rouzeau, autrement mieux documenté et argumenté.
Pour faire bref :
1/ La biologie de la gerbille est incompatible avec le
milieu urbain, qu'il soit médiéval ou contemporain (les épidémies de peste du
moyen âge se sont essentiellement développées dans des villes et quelques
villages).
2/ Supposer que les gerbilles aient d’abord contaminé les
rats noirs (rattus rattus), qui seulement ensuite auraient contaminés les
hommes est grotesque : dans quel biotope les deux rongeurs pouvaient-ils
se côtoyer pour échanger leurs puces, qui sont seules porteuses de la bactérie Yersinia pestis ???? Gerbille et
rat noir ont des biologies très différentes : l’une est une robuste
campagnarde, alors que l’autre est un strict commensal urbain frileux, au
centre et au nord de l’Europe et de l’Asie. Il est donc supposé que le
chameau aurait servit d’intermédiaire… Ce qui est indémontrable !
3/ Établir un « temps d’incubation » de 15 ans ne
signifie rien. C’est bien moins rapide que la vitesse d’une caravane de la soie
ou d’une campagne militaire. Or c’est forcément au cours des flux migratoires,
commerciaux et guerriers que les rats noirs, commensaux, ont proliféré, et la
peste avec eux. De l’art de se persuader d’un lien de causalité qui n’a rien
d’évident et de logique.
Une forêt de chiffres (densités de gerbilles et de puces) cache
ce qui est absent et essentiel: comment les puces des gerbilles
passent-elles sur les rats? Seule la supposition qu’elle se ferait via les
chameaux est évoquée.
Cette étude nous fait penser aux recherches obstinées de G.
Blanc et M. Baltazard (1945) tendant à démontrer que les puces et poux de
l’homme sont des vecteurs potentiels de la peste : ils n’ont convaincu
personne sauf eux-mêmes. Mme Audouin-Rouzeau a d’ailleurs contredit leurs
conclusions dans son livre « Les chemins de la peste, le rat, la puce et
l’homme » (éditions Texto 2007).
La lecture de ce livre est recommandée pour mieux juger
l’étude dont nous parlons.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire