L’actualité récente,
et constante depuis plusieurs années, sur les rats parisiens met en
évidence :
- -
L’incompétence
des acteurs de la dératisation, qu’ils soient décisionnaires politiques (et leurs
conseillers), ou applicateurs sur le terrain (et leurs formateurs), car les
rats font toujours l’actualité, puisqu’un deuxième maire, après M. Boulard,
lance un portail de signalement de rats ;
- -
Des
pratiques de dératisation uniformisées : quadrillage de parcs par des
boites d’appâtage, « monitoring » généralisé (ceintures de boites
dans les usines agroalimentaires et commerces alimentaires), visites de
contrôles rarement faites sous 3 jours et plutôt au-delà d’une semaine.
Détaillons les tenant et aboutissant de cette
situation
Il est un fait que
les dératisations mises en œuvre par la Ville de Paris se sont étalées sur des
mois. Or, le rapport final DRAFT (MESURES D'ATTÉNUATION DES RISQUES POUR LES
RODENTICIDES ANTICOAGULANTS, 2014 Berny et al.) indique « une durée maximale de traitement rodenticide d’environ 4-6
semaines », ce que permet le respect du protocole d’expertise
préalable et de traitement raisonné préconisés par l’EN16636 et ce rapport. Il
y a donc un évident problème de compétences à Paris.
La conférence de
Bertrand Montmoreau sur le monitoring (Journées techniques de la CS3D à Rungis
en novembre 2017) présente la pratique de pose et surveillance de multiples
boites d’appâtage comme conformes aux items 5.3 « Évaluer l'infestation, identifier les nuisibles et réaliser une
analyse des causes profondes », et
5.12 «Surveillance » de cette
norme. Comme par hasard, c’est aussi le crédo des rédacteurs de NPI, dont les
colonnes sont désormais ouvertes aux seuls annonceurs (bel esprit
d’indépendance…).
Les pratiques de
poses multiples d’appâts sont tellement inscrites dans l’inconscient collectif,
que l’ADEME demande à des centres de collecte et valorisation des déchets de « consulter un spécialiste des rats
pour diminuer l’impact sanitaire des rodenticides » (lors des
traitements de centres de déchets). Bien des témoignages dont me fait part une
collègue dispensant des formations Certibiocide vont dans ce sens : une
majorité de dératiseurs professionnels sont des poseurs de boites en grand
nombre « pour rassurer les clients
comme eux-mêmes »…
Cerise sur le
gâteau : tous les dispositifs d’appâtage (stations d’appâtage et pièges à
appâts sains) sont manipulés avec des gants en plastique.
Il apparait donc que
le milieu professionnel s’arqueboute sur une espèce de pensée unique entretenue
par les fournisseurs de produits biocides et de matériels de lutte :
- -
Les
appâts placebo jouent clairement le rôle de détecteur/ dénombrement, et
permettent de continuer à « poser
plein de boites partout » ;
- -
Les
pièges à appâts sains sont très efficaces et sont LA solution pérenne pour
éviter les phénomènes de résistance ;
- -
Les
appâts biocides sont dangereux : il faut les manipuler avec des gants. Il
faut d’ailleurs faire toutes les manipulations avec des gants en plastique.
Toutes ces
assertions sont fausses.
Démonstration :
Le monitoring, même avec appâts placébo ou
des pièges à appâts sains, est une erreur fondamentale en dératisation
Tant que la source d’alimentation
saine est disponible, seul des rats dominés, écartés des points de nourrissage
par les dominants, consomment des appâts. En voici une preuve :
Nous sommes dans le
quartier de Noailles à Marseille (oui, là où des immeubles se sont
effondrés) : la nourriture saine est surabondante en surface, où sont
creusés de nombreux terriers. La structure des égouts ne permet pas de
nidification. Ici, les rats vivent donc en surface et pas dans les égouts.
Des appâts
aromatisés au Viandox sont posés dans un avaloir dont l’écartement des
grilles ne permet que le passage de jeunes rats (dominés, donc).
Pourquoi ?
Parce les rats de dernier rang se sont dirigés là où persistait l’odeur de
leurs compagnons (second rang) qui venaient de manger. Confirmation que les
odeurs jouent un rôle déterminant dans le comportement des rats.
Notons que les
appâts étaient aromatisés avec une saveur puissante (Viandox) et placés au cœur
de la zone vitale que constitue la rue étroite. Dans les mêmes conditions, placés
tels quels au sortir de leur bidon (non aromatisés, donc), ces appâts ne
sont habituellement pas touchés.
En d’autres endroits
de la ville, la pose de ces mêmes appâts aromatisés hors d’une zone vitale
de rats, n’a occasionné aucune consommation.
ð Poser des dispositifs d’appâtage et des
appâts :
o
Dépourvus
d’odeurs alimentaires puissantes est, au mieux peu efficace, au pire
contre-productif : des consommations partielles génèrent des
phénomènes de résistance aux AVK ;
o
Hors de
la zone vitale parcourue par les rats est inutile.
Il est temps de rappeler quelques principes
essentiels en matière de rats et de dératisation :
- -
Hiérarchie : elle est basée sur la force physique seule et conditionne
l’accès à la nourriture et à l’emplacement du terrier ou nid (au plus prêt de
la nourriture). Il est distingué trois rangs : les alphas, béta et oméga.
Ces statuts ne sont pas figés et évoluent au cours de la vie des rats (moins
d’un an). Les dominants écartent les dominés des points de nourrissage. Si la
nourriture saine habituelle n’est pas supprimée, seuls des dominés béta ou
oméga consomment des appâts. Ce qui ne permet aucunement de dénombrer les
rats présents sur un site. Le fameux « monitoring » n’est donc
que de la poudre aux yeux.
- -
Domaines vital : il est le plus réduit possible pour limiter
les déplacements et l’exposition à la prédation. Il n’a pas de périmètre et est
constitué de pistes entre la nidification et les point de nourrissage et de
rongement (pour user les incisives hypsodontes). Tout dispositif d’appâtage
placé hors de cette zone ne sert à rien (la repérer est un préalable requis
par l’EN 16636) ;
-
- Olfaction : celle des rats est dix fois plus
discriminante que celle du chien. Tout dispositif d’appâtage non porteur
d’odeurs alimentaires plus attractives que la source de nourriture saine
habituelle, a fort peu de chance d’intéresser les rats. Tout dispositif
d’appâtage doit être imprégné d’odeurs alimentaires, et manipulé avec des gants
de peau, eux-mêmes imprégnés d’odeurs alimentaires.
Les dispositifs
d’appâtage modernes étant sécurisés et accessibles aux seuls rats, pratiquer
l’amélioration de l’appétence des appâts rodenticides ne présente pas de
risques pour les espèces non cibles et n’est « ni autorisé, ni
interdit ».
Au fait, la quantité
d’anticoagulant contenue dans un appât de 30 ou 40 grammes est inférieure à
celle contenue dans un cachet d’aspirine. Je sais : ce n’est pas le même
AVK, mais c’est pour donner une idée de la soi-disant dangerosité des appâts
rodenticides…
Concluons :
L’échec des
dératisation de surmulots est toujours due à une ou plusieurs de ces
causes :
-
- Non
suppression de la nourriture saine habituelle ;
-
- Dispositif
d’appâtage et appâts (sains comme empoisonnés) non porteurs d’odeurs
alimentaires attractives ;
-
- Dispositifs
d’appâtage placés hors de la zone vitale parcourue par les rats ;
-
- Suivi
des consommations trop long : il faut suivre à 2/3 jours maxi.
Les publicités de
rodenticides ou les propos de fabricants sur « l’appétence prouvée » de leurs appâts (dans leurs
articles pour NPI) sont pures assertions : aucun appât manipulé avec des
gants en plastique et placé dans une boite en plastique n’est plus attractif
que la nourriture saine présente dans la zone vitale des rats, aucun !
Il en est de même
avec les pièges à prises multiples appâtés avec des aliments sains : si le
piège en lui-même sent davantage le plastique (ou « rien » pour ceux
en métal) que la « bouffe », les rongeurs ne se dirigeront pas vers
lui. Il convient en outre d’adopter une stratégie de « guidage vers le piège », avec un trait de Viandox sur
plusieurs mètres et dans la directions de la nidification, par exemple.
La pensée unique qui
émane de la CS3D est garante de la continuité d’un système rémunérateur pour
tous ses acteurs : beaucoup d’appâts, boites et pièges vendus à des
professionnels certifiés par les fabricants/ vendeurs de biocides qui
dispensent Certibiocide (belle « boucle »…)
Les colonnes de NPI
enfoncent le clou à chaque numéro puisque seuls les annonceurs écrivent des
articles « pratiques », et
les professionnels cités ou interviewés dans les médias entretiennent la
crainte des rats par le grand public (ils
« prolifèrent et sont « une machine de guerre » selon Romain
Lasseur https://fr.euronews.com/2018/02/01/le-rat-une-machine-de-guerre-qui-menace-paris-)
.
Bref, le milieu des
3D est indécrottable, car ce n’est pas demain que :
-
- Les
phénomènes de résistance aux biocides vont disparaitre ;
- -
La
vérité sur le comportement des rats et les risques réels qu’ils représentent
seront largement exposés ;
-
- Les
professionnels colleront réellement aux exigences de l’EN 16636.
C’est que le
lobbying que pratique la CS3D, dans le fond, c’est tout un art, mon brave
monsieur, tout un art… D’immobilisme.
Pierre Falgayrac
PS: il me sera rétorqué que c'est pourtant en quadrillant de boites d'appâtage l'île de Sein que sa dératisation fut conduite avec succès :"consommation nulle = absence totale du rongeur sur l'île". Ce sera l'objet du prochain article de ce blog.
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