Décidément, s’il y avait encore besoin de démontrer que la
lutte contre les rats à New-York est sources de profits, financier pour
certains et électoral pour d’autres, les dernières actualités sur le sujet
enfoncent le clou.
Commençons par une énième étude sur la dangerosité sanitaire
des rats d’égout, avec une information montée en neige pour faire peur
sensibiliser les populations à l’impérieuse nécessité de surveiller les microbes
que trimballent les rats. C’est ici : https://entomologytoday.org/2015/03/02/fleas-that-could-potentially-carry-plague-found-on-new-york-city-rats/.
C’est que des puces potentiellement vectrices de peste ont été trouvées sur des
surmulots… Fort heureusement, la bactérie pesteuse manque à l’appel, ouf !
Précisons : Xenopsylla cheopis, vectrice de bactérie Yersinia pestis,
est la puce inféodée aux rats noirs et gerbilles du désert. Elle parasite
aussi des écureuils et chiens de prairie du sud-ouest américain (alors que NYC est
au nord-est).
Plutôt que de conclure « les responsables de la santé publique devraient surveiller de près les rats
de la ville et leurs puces (…) et que les citoyens devraient utiliser les
pratiques sanitaires pour se protéger » (ce qui est l’assurance de
contrats juteux pour quelques laboratoires, et de voix pour un candidat qui s’engagera
sur ce thème), il me semble que la
question à se poser est : Comment des puces de zones chaudes et sèches,
inféodées à des rats et des écureuils grimpeurs, peuvent-elles se retrouver
dans le pelage de surmulots aux mœurs souterraines, dans des zones fraiches et
humides ?
Surtout que le mode de passage des puces d’un hôte principal (l’animal) à un hôte
secondaire (un autre animal ou l’homme) est connu depuis longtemps : ou il
y a une forte promiscuité (dans les nids ou terriers), ou l’hôte principal meurt
et les puces cherchent alors à migrer sur un autre hôte vivant. Où et quand ces
conditions se présentent-elles? Ou alors, existe-t-il un autre mode inconnu de
migration des puces entre hôtes ?
Il y a là de véritables questions à portée scientifique. Que
pour l’instant aucun des impétrants new-yorkais ne s’est posé. Notons que c’est
la même question qui n’a pas été traitée dans l’étude concluant à des épidémies
de peste en Europe 15 après un été chaud et humide en Asie… (voir https://bloghyform.wordpress.com/2015/02/26/a-propos-de-l-etude-sur-les-gerbilles-les-rats-et-la-peste/
).
La seconde info qui fait un buzz, c’est le plan pour affamer
les rats de NYC avec 32 millions de $. Non, il ne s’agit pas de leur donner à
manger des billets qui, n’en doutons pas, seront attribués à ceux qui savent y faire
en politique et bizness, mais de repenser complètement la gestion des ordures
et certains aménagements de sous-sols, notamment pour trois quartiers.
Actuellement, les new-yorkais sont invités à sortir leurs
sacs à ordures directement sur le trottoir à partir de 16h, sacs qui sont ramassés
par les camions poubelles à 6h le lendemain. Autrement dit, on met le couvert
pour les rats quand il se réveillent, et on leur débarrasse la table au moment
où ils vont se coucher… Sans compter que le sol de bien des caves d’immeubles est
en terre battue, où les rats creusent en abondance leurs terriers.
Comme le téléphone du Rat Portail croule sous les appels et
que de récentes études scientifiques forcément neutres et bien intentionnées affolent les populations,
il a été prévu:
- D’obliger les immeubles de plus de 9 appartements à sortir leurs ordures au plus tôt à 4 h du matin (pour un ramassage à 6h) ;
- D’augmenter la fréquence de collecte des ordures dans les parcs ;
- De bétonner le sol des caves d’HLM encore en terre battue ;
- De fournir 336 poubelles de compactage en métal.
D’où une première question : Quelle efficacité attendre
de ces mesures ?
Pas grand-chose, sauf pour les immeubles aux caves bétonnées.
En effet, l’installation et la prolifération des rats dégout, les surmulots, dépend
de deux choses : la nourriture et
la nidification. Le simple fait d’empêcher les rats de creuser ou aménager des
terriers suffit à les chasser, même si la nourriture est abondante. Démonstration
avec le témoignage du représentant de la ville de Zurich lors du « Séminaire
sur la gestion des rats » organisé par la ville de Paris le 16 juin 2016 :
« Dans les secteurs rénovés du
réseau d’égout, il n’est plus enregistré de plaintes liées au rats, alors que
la gestion des déchets est inchangée. »
C’est bien ce sujet qui est interpellant dans le projet
new-yorkais : Pourquoi traiter le problème de la nidification seulement
dans quelques HLM et pas dans les égouts, où vivent 75 à 80% des rats urbains ?
Rénover, en les bétonnant, les parties vétustes du réseau, c’est l’assurance de
faire chuter les effectifs de rats. Or, il n’y a rien de la sorte dans le
projet. De l’art de traiter un problème à moitié…
Par contre, forcer la majorité des new-yorkais à se lever
entre 3h30 et 3h45 pour sortir leurs sacs poubelles sur le trottoir, est-ce
bien raisonnable / réalisable ? C’est un coup à perdre plein de voix… Il serait si simple de renouveler l’initiative
du préfet Poubelle en obligeant les syndics à équiper leurs immeubles de containers
fermés… Parce que 336 poubelles « compactantes » pour 8 millions d’habitants…
Cela revient à une miction dans un violon.
De toute façon, même si ces dispositions aboutissaient
réellement à une diminution significative des déchets sur les trottoirs, il en
restera suffisamment pour nourrir encore des hordes de rats, puisqu’ils ne mangent
chacun que 25g par jour (l’équivalent de 10% de leur poids).
Ce qui entraîne une deuxième question : Comment ces
mesurettes peuvent-elles coûter 32 millions de
$ ? Et là, je n’ai pas de réponse…
Au fait, la tonitruante annonce du plan de stérilisation des
rats (société SenesTech, voir par exemple ici : https://www.wired.com/2017/04/nycs-newest-weapon-rats-sterilization/)
a fait long feu. Ben, oui, c’était un projet irréalisable.
Pierre Falgayrac
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